De l’IA générative au no-code : la transformation pragmatique d’un cabinet d’expertise-comptable
Aujourd’hui illustrons par un cas concret comment un cabinet d’expertise a dépassé les promesses de l’IA générative en s’appropriant les outils no-code pour automatiser ses processus internes et développer de nouveaux services à ses clients PME.
Par souci de confidentialité nous le nommerons fictivement comptable Cerfidis Conseil et nous le situerons à Lyon
I. Un premier pas avec l’IA générative : promesses tenues, mais pas jusqu’au bout
En 2023, le cabinet Cerfidis Conseil, implanté à Lyon et spécialisé dans l’accompagnement des TPE-PME, décide de tester l’IA générative pour alléger la charge mentale de ses collaborateurs. Son premier cas d’usage est simple mais chronophage : la rédaction de courriels et de synthèses de réunion.
« On passait parfois 20 à 30 minutes à reformuler une note ou un mail destiné à un client. Avec ChatGPT, on est tombés à 5 minutes, voire moins. C’était bluffant », se souvient Clara R., associée du cabinet.
Dès le début, l’équipe l’utilise pour :
L’impact est immédiat : un gain de temps estimé à 15 % sur les tâches rédactionnelles, selon les logs internes. L’IA générative devient vite un réflexe quotidien. Mais au bout de six mois, une frustration monte.
« C’était un outil formidable… pour penser ou rédiger. Mais pas pour faire. On restait coincés sur Excel, sur les copier-coller, sur les macros vieillissantes. »
II. La limite du LLM : incapable d’exécuter, structurer ou connecter
Le cabinet identifie rapidement trois limitations majeures de l’IA générative :
Clara R. en témoigne :
« On pouvait générer un modèle de courrier, mais pas en envoyer cent à partir d’un fichier client. On devait toujours passer par Excel, Word, copier, coller. On perdait tout le gain de productivité. »
III. Le déclic no-code : passer de l’assistance à l’action
En 2024, le cabinet décide de tester Make (ex-Integromat) et Airtable, avec l’aide d’un jeune collaborateur passionné d’automatisation. L’objectif initial : industrialiser l’envoi des lettres de mission et des relances clients.
Premier cas pratique no-code : l’automatisation des lettres de mission
🔧 Outils utilisés :
🎯 Processus automatisé :
📉 Résultat :
Deuxième cas pratique : tableau de bord de gestion des obligations clients
Le cabinet crée ensuite un mini-CRM interne dans Notion et Airtable, pour suivre les échéances de TVA, bilans, liasses fiscales. Avec des alertes automatisées par Slack ou e-mail.
🎯 Objectif : ne plus rien laisser passer. Chaque dossier a son échéancier, mis à jour en temps réel.
IV. Combiner LLM + no-code : un duo gagnant
Fort de ces gains, Cerfidis revient à l’IA générative, mais dans une logique intégrée.
👉 Exemple : génération automatique de synthèse comptable
« C’est là que l’IA prend tout son sens : quand elle s’insère dans une chaîne de production automatisée. C’est notre rédacteur intelligent dans un pipeline bien huilé », analyse Clara R.
V. Bilan chiffrés après quelques mois
Indicateur |
Avant IA / No-code |
Après IA + No-code |
Temps moyen d’envoi d’une lettre de mission |
40 minutes |
7 minutes |
Taux de relance client manquée |
18 % |
2 % |
Temps de génération d’un rapport client |
1h20 |
15 minutes |
Taux de satisfaction collaborateurs (interne) |
6,5 / 10 |
8,9 / 10 |
Le cabinet a aussi lancé une offre de suivi de gestion mensuelle automatisée, vendue 89 €/mois, permettant à une dizaine de clients de recevoir un tableau de bord et une synthèse tous les 15 du mois. 30 % de marge nette. Zéro saisie manuelle.
VI. Une évolution culturelle autant que technologique
Si la technologie a permis ces avancées, la transformation est aussi humaine.
« Nos collaborateurs ne sont pas devenus développeurs. Mais ils savent brancher des outils. Ils savent dire : “Ce processus est bête, on peut l’automatiser.” C’est une révolution mentale », affirme la cofondatrice.
Cerfidis envisage désormais d’élargir ses outils à Glide (apps clients) et Tally (formulaires de collecte automatisée). L’IA générative reste présente, mais toujours intégrée dans des workflows no-code.
VII. Et si le jeune collaborateur n’avait pas été là ? Le coût d’une externalisation
L’automatisation mise en place en interne par le jeune collaborateur aurait pu être confiée à une agence spécialisée en outils no-code. Pour un projet de cette envergure – base clients dans Airtable, génération de lettres de mission PDF, workflows Make, intégration Gmail – le cabinet a évalué qu’un prestataire externe aurait facturé entre 6 000 € et 8 000 € HT, selon le niveau de personnalisation et les phases de test et de documentation.
C’est un coût raisonnable pour les cabinets déjà structurés, mais qui suppose une maturité organisationnelle et une vision claire des processus.
« Ce n’est pas hors de prix, mais cela suppose un cahier des charges très clair, des réunions de cadrage, une gestion de projet rigoureuse, et des coûts récurrents en cas de mise à jour. Notre collaborateur nous a permis de faire tout cela en quelques semaines, avec une agilité précieuse », explique Clara R.
Le cas illustre bien l’enjeu stratégique : le no-code est accessible, mais son appropriation interne change tout. Sans ressource en interne, l’investissement reste raisonnable pour un cabinet structuré, mais moins itératif, et potentiellement moins adapté aux évolutions fréquentes des besoins métiers.
À noter : les coûts de maintenance et d’évolutions ultérieures (ajout de nouveaux champs, changement de modèle de document, montée en volume) peuvent représenter 10 à 20 % du coût initial par an, sauf en cas d’internalisation.
Conclusion : de la magie à la méthode… et à la stratégie
L’expérience de Cerfidis Conseil montre comment une petite structure peut enclencher une véritable dynamique d’innovation, sans développeur ni budget colossal. L’IA générative a été l’étincelle : une solution rapide pour améliorer la rédaction, la communication client, et le confort des équipes. Mais seule, elle reste cantonnée à l’assistance ponctuelle. Elle ne structure pas, ne relie pas, n’exécute pas. Et ici, C’est un jeune collaborateur, non développeur, qui a été le levier du changement.
C’est l’arrivée du no-code qui a changé la donne. En s’équipant d’outils comme Airtable, Make ou Notion, le cabinet est passé de l’automatisation artisanale à une modélisation métier pilotée, capable de produire des documents, d’envoyer des mails, de suivre des échéances ou de nourrir des CRM internes. Mieux : cela a permis de créer de nouveaux services facturables, comme les synthèses de gestion automatisées, difficilement imaginables sans une infrastructure agile.
La vraie leçon ? Ce n’est pas l’outil qui transforme, c’est la capacité à en faire un levier de productivité, de cohérence et de valeur ajoutée. L’IA générative et le no-code ne s’opposent pas : ils se complètent. Le premier pense, le second exécute. Ensemble, ils ouvrent la voie à une comptabilité augmentée, proactive, plus fluide et plus humaine.
Pour les cabinets comptables, l’enjeu n’est plus de savoir si ces outils sont utiles, mais de décider comment, par qui, et à quelle vitesse ils seront déployés. Ceux qui se poseront la question trop tard seront remplacés… non pas par une machine, mais par un confrère qui aura su s’en servir.
Une leçon à retenir ? La productivité ne se gagne pas avec des prompts, mais avec des flux.